Le 23 octobre 1855, au cours d’un dîner entre amis, quatre membres de la petite bourgeoisie libérale gantoise, discutent de la situation désastreuse de la population ouvrière à la veille d’un hiver qui s’annonce rigoureux. Ils décident d’organiser une brocante d’objets insolites, vendus aux enchères, au profit des familles ouvrières Gantoises les plus démunis.
Ils exposent leur projet au responsable d’une association de bienfaisance existante mais essuyent un refus. Ce dernier refuse cette action d’un petit groupe de libéraux « sans nom » comme il les nomme de façon méprisante. Et nos amis philanthropes, offusqués, de répondre « Nous sommes peut-être sans nom mais nous sommes non sans coeur». C’est ainsi que le 24 décembre 1855, l’association fut officiellement inscrite au registre de la ville de Gand sous le nom de : « Cercle Philanthropique les sans Nom non sans Cœur ».
Ils se fixent comme buts de combattre la pauvreté parmi les ouvriers et de promouvoir l’émancipation de ceux-ci par l’éducation, la connaissance et l’enseignement.
Rapidement ils peuvent compter sur le soutien des politiciens libéraux et des industriels les plus progressistes dont plusieurs les rejoignent, comme membres du comité, comme membres effectifs ou comme membres protecteurs.
La brocante remporta un franc succès et permis d’acheter des habits d’hiver pour un millier d’enfants des écoles gardiennes de la ville.
Quelques semaines plus tard c’est l’explosion d’une chaudière, dans une usine textile, qui est leur premier grand défi. Ils parviennent à mobiliser une part importante de la bourgeoisie libérale gantoise et grâce aux revenus de leurs actions parviennent à aider financièrement les familles touchées par la catastrophe.
Dans les mois et années qui suivent, les actions se succédent à un rythme effréné, tant au niveau de la récolte de fonds qu’au niveau de l’aide aux familles ouvrières.
Ainsi, en peu de temps, le Cercle philanthropique les sans Nom non sans Cœur devient, grâce au dynamisme de ses membres, la figure de proue de la philanthropie libérale Gantoise et, par ailleurs, très populaire et aimé parmi les ouvriers.
Dans l’entre-deux guerres, les autorités, ayant saisi l’importance de l’assistance aux plus démunis, prennent celle-ci en main et bâtissent progressivement la sécurité sociale telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Au fur et à mesure que cette assistance s’institutionnalise, l’importance des associations de bienfaisance privées diminue. Elles resteront néanmoins, et sont encore aujourd’hui, dans de nombreux cas, la seule solution qui s’offre aux plus démunis lorsque, pour l’une ou l’autre raison, ils ne trouvent pas de solution dans notre système de sécurité sociale.
C’est pourquoi notre Cercle philanthropique SNNSC a survécu et gardera encore longtemps toute son utilité.
De nos jours nos actions se font certes plus discrètement, elles ont perdu le caractère public, voire politique, qu’elles avaient incontestablement au 19ème et au début du 20èmesiècle.
Une collaboration étroite avec la ville de Gand et en particulier avec son bourgmestre Charles de Kerckhove, conduira les sans Nom non sans Cœur, à cofinancer une école gratuite pour garçons du côté de la porte d’Anvers. Cette école n’existe plus de nos jours mais la pierre commémorant l’événement orne encore la façade du bâtiment qui la remplace.